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L'alimentation intuitive

Julia Lévy-Ndejuru, RD, M.Sc (c)

Dt.P Université Laval

HAES représente un nouveau paradigme de santé selon lequel les changements de comportements alimentaires et d’activité physique, plutôt que la perte de poids, devraient être les outils de prévention principaux contre les maladies liées au style de vie(2). Cette approche est basée sur le fait qu’aucune méthode de perte de poids n’a démontré de résultats concluants jusqu’à maintenant. Elles mènent plutôt à un regain à moyen ou long terme pour la grande majorité des gens (3). De plus, HAES veut contrer l’utilisation du poids comme unique ou principal indicateur de santé, comme il est souvent présenté dans notre société (4).

L’alimentation intuitive s’inscrit dans le paradigme de HAES, car il s’agit d’une forme d’intervention nutritionnelle ne visant pas un changement de poids, mais une amélioration des comportements alimentaires. Elle est basée sur l’écoute des signaux de faim et de satiété comme outils de régulation de la prise alimentaire. L’apprentissage de l’alimentation intuitive est fait de façon expérientielle, il inclut des stratégies pour améliorer la relation des patients avec la nourriture et leur corps, tout en considérant l’aspect émotionnel de l’alimentation (1). De plus en plus d’études scientifiques s’intéressent à l’alimentation intuitive et leurs résultats sont positifs; la propension à manger intuitivement et l’adoption de cette approche ont été liés, entre autres, à un meilleur état de santé global (5), une réduction des symptômes de troubles alimentaires (6, 7) ainsi qu’à une amélioration de l’image corporelle (8) et du bien-être (9–10) . En ce qui a trait à la qualité de l’alimentation des mangeurs intuitifs, elle n’a pas encore été établie hors de tout doute. Pour le moment certaines études ont noté une amélioration (11, 12) alors que d’autres n’ont noté aucune différence (13, 14).

Haes

Description de l’étude

L’étude qui nous intéresse rapporte les effets d’une large intervention HAES sur la qualité de l’alimentation et la pratique des principes de l’alimentation intuitive. Elle a eu lieu dans des établissements de santé et services sociaux à travers le Québec, sous le nom : « Choisir de Maigrir? ».

Participantes

  • 326 femmes (Indice de masse corporelle (IMC) moyen : 34.8kg/m2 ± 6.63; âge moyen : 53 ± 12.1 ans) intéressées à améliorer leur relation avec la nourriture et leur image corporelle, s’étant inscrites au programme « Choisir de Maigrir? ».
  • 216 dans le groupe d’intervention (programme HAES) vs 110 dans le groupe contrôle (liste d’attente pour participer au programme)
  • Majorité caucasienne

Méthodes

  • Sur 4 mois: 13 séances hebdomadaires de 3 heures et une journée intensive de 6h menées par deux professionnels de la santé, habituellement un.e nutritionniste et un.e psychologue ou travailleuse sociale.
  • Exemples de sujets abordés sous forme de discussions: reconnaissance des signaux de faim et de satiété, manger équilibré et bouger pour le plaisir, la façon dont les émotions affectent le comportement alimentaire, l’image corporelle.

Mesures principales (répétées au début de l’étude, à 4 et 16 mois)

  • Questionnaire sociodémographique (seulement au début de l’étude)
  • L’échelle d’alimentation intuitive mesure trois dimensions de la prise alimentaire: manger pour des raisons physiques plutôt qu’émotionnelles, se donner la permission inconditionnelle de manger ce que l’on désire réellement et utiliser ses signaux de faim et de satiété pour décider quand manger.
  • Les apports alimentaires ont été estimés par un questionnaire de fréquence alimentaire et la qualité de l’alimentation a été évaluée selon le Healthy Eating Index.
  • L’IMC

Résultats

  • Les deux groupes n’étaient pas différents en termes d’âges, IMC, éducation, ethnicité, revenu familial, score d’alimentation intuitive et qualité de l’alimentation.
  • À 4 et 16 mois, le groupe d’intervention a obtenu des résultats significativement plus élevés sur l’échelle d’alimentation intuitive que le groupe contrôle.
  • À 4 mois, la qualité de l’alimentation du groupe HAES était plus élevée que celle du contrôle, avec des différences marquées au niveau de la consommation de gras, fruits et légumes, cholestérol et au niveau de la variété. Ils consommaient aussi moins d’aliments riches en gras ou sucre. Par contre, cette différence disparaît à 16 mois.
  • À 4 mois et 16 mois, les résultats du groupe HAES ont démontré une corrélation positive entre la qualité de l’alimentation et les résultats sur l’échelle intuitive.

Le premier élément d’importance de cette étude est qu’elle inclut l’utilisation de HAES et l’alimentation intuitive, des approches encore non traditionnelles dans le domaine de la nutrition. Les résultats présentés démontrent qu’une amélioration de la qualité de l’alimentation peut avoir lieu sans utiliser le poids comme objectif et sans enseignement prescriptif des aliments à consommer. Il s’agirait plutôt de guider le patient à prendre ses propres décisions alimentaires en écoutant son corps et ses désirs réels.

Nous ne pouvons conclure que la pratique de l’alimentation intuitive mène nécessairement à une alimentation de haute qualité nutritionnelle avec cette étude, mais elle tend à démontrer qu’en combinant cette pratique avec l’approche HAES, on pourrait s’attendre à une amélioration à ce niveau. Il serait maintenant important de voir de nouvelles études s’intéresser à la façon de prolonger cet effet, soit en allongeant l’intervention ou en utilisant des stratégies innovatrices. De plus, il serait intéressant de mener une étude comparant le groupe d’intervention HAES à un groupe suivant un programme de type régime hypocalorique, ayant l’objectif similaire d’améliorer la qualité de l’alimentation, tout en évaluant les effets psychologiques et le maintien des habitudes alimentaires des deux groupes.

Ces approches semblent prometteuses pour les diététistes désireux d’aider leurs clients à prioriser leur bien-être physique, mais aussi psychologique et à naviguer plus aisément la société actuelle dans laquelle l’obsession du poids et de la minceur règnent. La première étape, selon moi, serait de réduire l’accent mis sur la perte de poids des patients pour mesurer leur progrès. Il s’agirait plutôt de s’attarder à l’évolution de leur santé globale et de leur bien-être.

References

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